Passage de l’enfance à l’adolescence

Le Radis, lieu d’accueil et de loisirs

Le Radis est l’espace d’accueil pour enfants de l’association Le Rado. Il est ouvert les mercredis toute la journée mais également pendant les vacances scolaires, accueillant une large population d’enfants âgé.e.s de 4 à 11 ans et scolarisé.e.s à Versoix. Le Radis propose des activités telles que des jeux, du bricolage ou encore des sorties. Ces dernières sont adaptées à l’âge de chacun.e en séparant les jeunes enfants des préadolescent.e.s (les Radis et les Radis+).

Moi, au Radis j’aime jouer au basket, faire du bricolage et les jeux libres. Je ne pense pas trop au Rado parce que c’est trop cool le Radis.

Joana (nom d’emprunt), 10 ans
Maison de quartier le Radis, novembre 2021

Parole donnée aux enfants

Activité ludique favorisant l’échange au Radis , novembre 2021

Aujourd’hui, la transition juvénile tend à raccourcir la période de l’enfance et à amener les «grand.e.s enfants» de 11-12 ans à grandir plus vite afin de devenir adolescent.e.s rapidement. Ils.Elles veulent être autonomes et espèrent que le changement qu’opère cette transition se fasse rapidement. Ils/Elles veulent avoir moins de contraintes, pouvoir faire leur propre choix, se maquiller chez les filles et avoir les poils qui poussent chez les garçons.

Lors de notre immersion au Radis, nous avons pu observer que même si certain.e.s enfants voulaient jouer aux grand.e.s, les jeux auxquels ils.elles jouent restent, cependant, des jeux d’enfants.
Afin de comprendre comment les préados du Radis+ se projettent dans l’adolescence mais surtout d’observer le contraste entre leurs craintes de perdre certaines dimensions de l’enfance et leurs envies de devenir adolescent.e.s, nous avons organisé une activité ludique afin de leur donner la parole appelée carto-language. Elle a permis à cinq préadolescent.e.s de 11 ans de s’exprimer à l’aide de cartes imagées illustrant différentes thématiques comme la relation avec leur famille, leur ami.e.s ou leur parcours scolaire. 
Nous avons ainsi pu définir les enjeux auxquels ils.elles sont confronté.e.s. Il a également été intéressant de relever que les perceptions ne sont pas les mêmes selon le genre de l’individu.e (garçon ou fille) notamment dans les discours et les prises de conscience de chacune et chacun. 

Relation famille et confiance

Faire plus de trucs avec mon père, comme aller à la piscine

Durant l’enfance, l’enfant est dépendant.e de ses parents, ces dernier.e.s étant ses figures d’attachement. Progressivement l’autonomie devient plus grande, comme observée au sein de l’association du Radis.

Gare de Versoix, novembre 2021

L’équipe d’animation offre des espaces de liberté et d’autonomie à travers des moments libres et des réunions.
À travers notre activité, nous nous sommes intéressé.e.s à la relation parent-enfant en y liant avec le lien de filiation [1]Paugam, S. (2014). Intégration et inégalités : deux regards sociologiques à conjuguer. Presses universitaires de France, p.8. Nous pouvons souligner un contraste entre la famille qui se voit être un élément important pour lui.elle mais qui met également en lumière une forme de rébellion et de désaccords rencontrés dans la relation.
Nous avons également demandé aux jeunes jusqu’où ils.elles étaient autorisé.e.s à aller dans leurs déplacements à Versoix et à Genève afin d’observer les libertés individuelles de chacun.e. Pour l’un d’entre eux.elles, aller jusqu’à Genève en train lui était autorisé alors que son copain devait rester sur le territoire de Versoix. C’est pourquoi nous avons mis en évidence le besoin, pour le.la jeune, d’avoir accès à une certaine liberté et autonomie.
Enfin, nous avons constaté que c’est grâce à la confiance instaurée entre le parent et son enfant que les libertés lui sont accessibles. En effet, si l’enfant “prouve”qu’il. elle respecte les règles et horaires, le parent lui fera plus facilement confiance et lui laissera son espace personnel (espaces exclusifs, réservé au jeune et à ses pairs, nécessaire à son développement). Le.la jeune acquiert également plus de responsabilités qui le pousse dans une plus grande autonomie. 
En somme, la confiance se construit de manière différente selon chaque famille et entre chaque parent et son enfant.

Après-midi à la maison de quartier le Radis, novembre 2021

Réseaux sociaux

Sans les réseaux sociaux, je meurs

L’adolescence rime également avec les écrans et notamment l’outil indiscutable : le téléphone portable. Il est indiqué comme un compagnon du quotidien qui rythme les journées par le réveil, les trajets en transports publics ou les temps libres, constituant un objet de rassurance pour le.la jeune.

Dans notre étude de terrain, nous avons pu définir qu’une distinction entre enfance et adolescence est visible au moment où l’individu.e à, à sa disposition, un téléphone portable qui devient un prolongement de soi-même. 
En effet, ces écrans numériques présents de plus en plus tôt chez les jeunes font surgir des comportements différents de ceux de l’enfance. Les applications telles que les réseaux sociaux permettent aux jeunes d’accéder à un espace de liberté, non contrôlé par les parents, leur permettant de se montrer à leurs pairs.
Selon Claire Balleys, cette population est à la recherche de son identité par le biais de l’acceptation dans la vraie vie mais également au travers des réseaux sociaux. Par les médias, il.elle se présente aux autres par le biais de photos, de statuts ou de commentaires. Il.Elle obtient une reconnaissance sociale et se voit capable de se créer des liens sociaux [2]Balleys, C. (2021). Légitimité ́ parentale et idéal de résistance aux écrans : les principes à l’épreuve des pratiques. Réseaux, p.12.
Les liens de participations électives dont nous parle Paugam [3]Paugam, S. (2014). Intégration et inégalités : deux regards sociologiques à conjuguer. Les Presses universitaires de France, p.10 font partie intégrante de cette thématique car ils permettent aux jeunes de nourrir leurs relations sociales en restant en contact permanent par les écrans. Ils.Elles cherchent également à se montrer au monde afin de recevoir une valorisation et une sécurité dans leur estime personnelle.

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Style vestimentaire

T’as trop de flow avec

Voilà ce que Tim 11 ans, nom d’emprunt, nous fait savoir en tenant l’image d’un ensemble de training et une sacoche Nike. Mais quand est-ce que les jeunes ont arrêté de penser qu’un habit n’était qu’un simple vêtement et se sont intéressé.e.s aux marques reconnues telles que Nike et SNIPES ?
Si la tenue vestimentaire a été l’une des thématiques les plus importantes de notre activité c’est notamment car elle fait partie intégrante de la vie du jeune qui transite. En effet, cette population prend conscience qu’adopter un certain style vestimentaire lui permet une appartenance et une forme de sécurité dans le développement des relations qu’il.elle entretient avec ses pairs [4]Paugam, S. (2014). Intégration et inégalités : deux regards sociologiques à conjuguer. Presses universitaires de France. Avoir les mêmes vêtements que son groupe d’amis lui permet de se créer une identité et une personnalité tout en restant reconnu.e par ses pairs.

L’influence de la société par les écrans, dans les magasins et de ses codes en matière de mode conditionne le.la jeune à adopter certains looks et à en négliger certains autres pour rester dans la norme et ne pas avoir le sentiment d’y être exclu.e. 
Cette thématique est donc intimement liée aux liens sociaux et à la participation élective que choisit d’entretenir le.la jeune.
La perception et le regard que son entourage (pairs, familles, etc.) développe, le.la pousse à se choisir un style vestimentaire précis afin de renvoyer une certaine image de lui. 
Le style vestimentaire peut également faire ressortir une vulnérabilité de classe sociale selon les vêtements choisis. À l’heure actuelle, les habits issus de marques permettent aux jeunes de s’identifier et semblent faciliter son appartenance à un groupe. Cependant, nous sommes tous inégaux face au revenu financier et c’est pourquoi un.e jeune préadolescent.e issu.e d’une classe sociale moyenne voir populaire, ne pourra pas se constituer un look à la mode et risque, par conséquent, de ressentir une forme d’exclusion de la part de ses pairs.

Puberté

Ton corps change et tu transpires plus

Cette période est notamment rythmée par des changements physiques et psychologiques qui bousculent la construction de l’individu.e, les timings et l’intensité de ces derniers pouvant variés. 

Temps libre maison de quartier le Radis, octobre 2021

Certain.e.s enfants sont impatient.e.s de grandir alors que d’autres s’en inquiètent ainsi les conséquences de la puberté diffèrent selon les personnes. Toutefois, elle n’est pas si simple. 
Maryse Vaillant, psychologue clinicienne, confie dans une émission ce qu’est pour elle la puberté : « …ça veut dire être pubère et ça veut dire donc en termes techniques être apte à la procréation ça veut dire qu’on a ses règles, qu’on peux devenir maman… ». [5] Vaillant, M. (2021). Les P’tits bateaux. France inter.
Dans les retours des enfants sur cette thématique, il a été intéressant de voir la différence d’inquiétude entre filles et garçons car ces dernières se projettent, très tôt, en espérant répondre aux attentes de la société. Une réelle angoisse autour de cette métamorphose corporelle a donc été visible. Chez les garçons, l’enjeu autour de la puberté reste flou et leur attitude face à cette thématique est maladroite.  Le sentiment “d’écraser” les filles pour se mettre en avant et ce, peu importe s’ils sont blessants ou moqueurs, est bien réel. 
Les deux sexes se rejoignent, cependant, dans le besoin d’appartenir à un groupe et copier les codes sociétaux afin de continuer à plaire et à se construire. En effet, il est plus rassurant de ressembler à la norme sociétale.
Ainsi, il est important que chaque jeune préadolescent.e entre et sorte de la puberté à son rythme. Et ce, tout en étant soutenu.e et accompagné.e afin de traverser cette période de construction et d’interrogation du mieux possible.
Cet espace de transition véhiculé pendant la puberté place le.la jeune dans une forme de vulnérabilité notamment par les changements qui s’effectuent dans son corps et par de nouveaux apprentissages. 

cycle d’orientation les Colombières, novembre 2021

Cycle d’orientation

Les casiers, c’est comme dans les films américains

Voilà ce que Sienna, âgée de 11 ans, nous répond lorsque nous lui demandons de partager sa vision du cycle d’orientation qu’elle rejoindra l’année prochaine.

Lorsque nous abordons le sujet, elle nous fait part de sa vision et de ses inquiétudes notamment en parlant de la violence au cycle : « C’est plus violent le cycle que l’école primaire ». Elle nous laisse donc sous-entendre qu’elle devra faire face à la violence psychologique des jeunes et notamment celle des garçons. 
Elle reste très lucide sur la charge de travail qui sera bien plus conséquente qu’à l’école primaire et argumente en faisant notamment allusion aux responsabilités liées à ce travail.
Enfin, elle fait part de son angoisse à propos du fait qu’il y aura beaucoup plus de gens au cycle qu’à l’école primaire, tout simplement parce que le cycle est un grand bâtiment.
Les autres jeunes à qui nous avons donné la parole, rejoignent le témoignage de Sienna lorsqu’ils.elles évoquent la manière dont ils.elles se voient au cycle : « Le premier truc que je ferai quand je serai au cycle ce sera d’aller manger au Mac do ». 
De manière plus concrète, ils.elles s’imaginent avoir un casier, plusieurs professeurs mais surtout développer une plus grande autonomie. Cependant, ils.elles avouent aussi avoir des angoisses. 
Les différents témoignages recueillis renforcent notre ressenti sur l’importance d’être soutenu.e, accompagné.e par sa famille ou ses amis pour une transition plus douce.

Activités et loisirs

S’amuser entre potes

Pendant l’enfance, les jeunes enfants sont constamment tenu.e.s par les adultes et n’ont aucune autonomie. Ils.Elles ne se posent pas beaucoup de questions quant à leur droits et leur liberté car c’est les parents qui décident de tout.

Temps libre à la maison de quartier le Radis, octobre 2021

Les enfants sont constamment surveillé.e.s par les adultes que ce soit à l’école, dans les camps/colonies ou dans les activités extrascolaires.
Au Radis, les animateur.trice.s et moniteur.trice.s sont chargé.e.s de surveiller et d’occuper les enfants. Cependant, les Radis+ ont le droit de s’occuper seul.e.s lors des moments de jeux libres et peuvent proposer des activités pendant la réunion avec tous les enfants. Lors des activités que propose le Radis tel que le football, les ateliers bricolage, le basketball ou encore des jeux de sable, les enfants se mélangent entre eux.elles et plus aucune barrière entre les âges n’est visible. Les plus grand.e.s se retrouvent avec les plus jeunes en jouant ensemble et en s’entraidant. 
Nous avons pu constater que pour le.la préadolescent.e le ressenti de faire partie d’un groupe est essentiel. En effet, pendant cette période nous sommes en perpétuel recherche de nous-même et avoir un soutien permanent nous redonne confiance. L’aspect d’appartenir à un groupe se ressent notamment dans les sports ou les activités que les enfants exercent pendant leur temps libre.
Les garçons, par exemple, ressentent cet aspect dans les sports en équipe notamment le football. Les filles, quant à elles se rassemblent en groupe pour discuter, s’appellent pour se donner rendez-vous ou pour discuter. 
Durant l’atelier, nous avons fait le constat suivant : les garçons prennent beaucoup de place au sein de l’espace environnemental et ont besoin d’être visibles et de se montrer, à l’inverse des filles qui restent plus en retrait. 

Et les adultes alors ?

Et y’a aussi le regard des garçons vers elle, et j’étais oh là là. C’est à ce moment là que j’ai fait là on est plus dans le monde des bisounours

Laurent, père de famille à Versoix

Nous nous sommes également entretenu.e.s avec deux professionnelles de l’association du Radis et un père de famille pour comprendre un peu mieux ce que véhicule ce changement et avoir le ressenti des adultes sur le sujet. 
Il a été intéressant de mettre en lumière la notion de confiance avec celle de la relation parent-enfant qui poussent les adultes a laissé l’enfant plus autonome et responsable dans son temps libre.
De plus, pour Nanchen, « L’éducation s’articule autour de l’axe affectif chaque fois que l’éduquant s’ajuste ou tente de s’ajuster aux besoins présumés de l’éduqué́ » [6]Nanchen, M. (2002). Ce qui fait grandir l’enfant. Editions Saint-Augustin, p.2.

C’est pourquoi il est important que la relation entre adulte (parent ou professionnel.le) et jeune s’ajuste aux besoins de la jeunesse , sans se montrer jugeant.e ni dénigrant.e.  L’éducabilité́ par les adultes est donc sujet à réflexion et réajustements qui permettent de garder le lien avec ces adolescent.e.s et réduisent les conflits.
Le changement de regard de l’entourage a également été mentionné lors des interviews et montre un véritable enjeu lors de cette transition. 

Interview Bénédicte, animatrice à la maison de quartier du Radis, octobre 2021

Les Radis + participent moins aux activités de groupe, s’isolent et vont plus sur leur téléphone.

Bénédicte, animatrice au sein du Radis

Conclusion

En conclusion, cette étude de terrain a permis de mettre en évidence plusieurs enjeux liés à l’adolescence.
Tout d’abord l’importance du téléphone portable et des écrans numériques dans la vie du jeune qui le.la pousse à adopter un comportement différent de l’enfance. De plus, il semble nécessaire d’avoir un accès réservé pour lui.elle et ses pairs afin de développer plus d’autonomie et de libertés. 
Ces jeunes sont en perpétuel changement que ce soit corporel ou au sein de leur relation avec leurs parents. Faire des essais-erreurs permet à ces jeunes de se développer correctement. 

Réalisation

Alexandre Bicho, HETS Genève

Jordane Magnin, HETS Genève

Maeva Pinizzotto, HETS Genève

Leila Rosenbaum, HETS Genève

References

References
1 Paugam, S. (2014). Intégration et inégalités : deux regards sociologiques à conjuguer. Presses universitaires de France, p.8
2 Balleys, C. (2021). Légitimité ́ parentale et idéal de résistance aux écrans : les principes à l’épreuve des pratiques. Réseaux, p.12
3 Paugam, S. (2014). Intégration et inégalités : deux regards sociologiques à conjuguer. Les Presses universitaires de France, p.10
4 Paugam, S. (2014). Intégration et inégalités : deux regards sociologiques à conjuguer. Presses universitaires de France
5 Vaillant, M. (2021). Les P’tits bateaux. France inter.
6 Nanchen, M. (2002). Ce qui fait grandir l’enfant. Editions Saint-Augustin, p.2